La découverte d’une tumeur chez un animal de compagnie renvoie son propriétaire à son propre vécu de la maladie et des soins qu’elle engendre.
Qui ne connaît pas un ami ou un parent cancéreux, soigné et pour autant emporté en quelques mois par un cancer ? Actuellement chez l’homme, le cancer est néanmoins considéré comme une maladie chronique : si nous n’en guérissons pas vraiment, nous vivons parfois avec pendant de longues périodes de vie, pouvant atteindre 10 à 15 % de notre espérance de vie actuelle (80 ans). Loin de prétendre faire mieux avec nos animaux de compagnie, des rémissions de 16 à 24 mois correspondent au même pourcentage de survie par rapport à l'espérance moyenne de vie du chien (13 ans). Fort heureusement, certains individus guérissent de leur cancer, sevrés de tout soin, et donnent espoir aux patients et aux soignants. Le chirurgien vétérinaire en cancérologie doit rester très précautionneux du contexte humain dans lequel il évolue.
LA CHIRURGIE INTERVIENT À DIFFÉRENTS NIVEAUX DANS LA STRATÉGIE DE LUTTE CONTRE LE CANCER.
1. Elle peut être à visée diagnostic quand les biopsies ne sont pas permises sans un abord chirurgical (tumeur du système nerveux par exemple).
2. Elle peut être curative dans certains cas de tumeur solide : chez l’homme 60 % des patients guéris de leur cancer le sont par la chirurgie seule. Les meilleures chances de guérison sont données lors d’une chirurgie large en première intention, définie par un plan d’action réfléchi.
3. Elle peut avoir comme objectif une réduction tumorale pour améliorer le confort de vie et permettre une meilleure efficacité des traitements complémentaires de radiothérapie ou de chimiothérapie.
4. Elle peut être réalisée dans un but palliatif, quand la tumeur ne peut pas être retirée mais qu’on peut proposer une dérivation des organes comprimés par la tumeur. Le confort de vie ainsi apporté permet des rémissions intéressantes.
5. Elle peut être indiquée pour assurer un confort de vie ou de soins par la pose de cathéters ou de drains à demeure.
LA CHIRURGIE EN CANCÉROLOGIE S'INTÈGRE DANS UNE LOGIQUE D'ÉQUIPE.
Le chirurgien pour réaliser son plan de chirurgie doit connaître la nature histologique et la biologie de la tumeur (souvent obtenue au préalable par cytoponction ou biopsie), ainsi que son bilan d’extension local, régional et à distance. De ces éléments découle un stade d’évolution de la tumeur (classification TNM : développement local de la Tumeur, envahissement ou non des Nœuds lymphatiques régionaux, présence ou non de Métastases). De ce stade d'évolution découlent un pronostic et une conduite thérapeutique.
Le bilan d’extension, le plus souvent réalisé par scanner, guide la main du chirurgien. La maladie classiquement comparée à un « crabe » doit voir non seulement son « corps » mais aussi « toutes ses pattes » éliminées en un même geste chirurgical. L’échographie et le scanner donnent la topographie de toutes les « pattes du crabe ». Le plan de chirurgie, l’abord chirurgical, la largeur de la résection puis la reconstruction peuvent ainsi être préparés. Le chirurgien doit intégrer les possibilités des traitements complémentaires pour adapter son geste et faciliter les conditions du nursing postopératoire.
Le chirurgien n'est pas un prestataire de service, il doit consulter et palper son patient pour proposer ses propres solutions. Certaines tumeurs qui apparaissent inopérables en imagerie peuvent se révéler mobiles et finalement opérables. Les tumeurs viscérales par exemple peuvent apparaître monstrueuses, écraser les structures autour et pour autant avoir un développement lent, non infiltrant et donc relever d’une chirurgie curative. Certaines possibilités chirurgicales peuvent être ignorées du vétérinaire généraliste.
La prise en charge de la douleur est systématique et se fait en hospitalisation par perfusion continue de cocktails antalgiques. Elle doit être mise en place dès la phase pré-opératoire pour anticiper la survenue de la douleur. Elle est maintenue aussi longtemps que nécessaire en fonction de la procédure réalisée. Ainsi, nos animaux de compagnie sont d’une force étonnante : il est constant de voir un chien opéré d’un cancer du poumon par thoracotomie réclamer sa gamelle au lendemain de la chirurgie.
Encore plus que dans n’importe quelle discipline, la décision de chirurgie de l’animal cancéreux doit entraîner l’adhésion de son propriétaire. Il doit clairement être conscient du choix qu’il fait, des risques pris, et des frais engagés. Il doit être informé de ce que la chirurgie peut apporter, si elle est espérée curative, si elle ne propose qu’une réduction tumorale qui devra être complétée d'un traitement complémentaire ou si elle est palliative. Les conditions du postopératoire doivent être des conditions de vie acceptables par le propriétaire concerné.
Enfin, il faut avoir conscience que la cancérologie est une discipline encore faite d’incertitudes où les bonnes comme les mauvaises évolutions sont possibles. Il faut permettre au propriétaire et à son animal d’apprécier tout gain de temps et parfois savoir s’en contenter.